Chopin est mort le 17 octobre 1849 à 2 heures du matin, au 12 Place Vendôme à Paris
"(...) Jamais l'antiquité même la plus stoïque n'a laissé d'exemple d'une mort plus belle et d'une âme plus grande, plus chrétienne et plus pure. La dernière agonie, après la confession et les Saints Sacrements, a duré trois jours et trois nuits. Jamais on n'a vu une vitalitée (sic) plus tenace, les médecins n'en revenaient pas. Et dans ces moments ma pensée a été brisée par cette conviction que s'il n'avait pas eu le malheur de connaître G.S. (George Sand) qui a empoisonnée (sic) toute son existance (sic) il aurait pu vivre l'âge de Cherubini. Le dernier jour de sa vie, la dernière heure, il avait toute sa précision d'esprit ; il se relevait très souvent sur son séant et (...) adressait des conseilles (sic), des remontrances, presque des consolations avec une convenance, une mesure, un à-propos inconcevable, avec une bonté et une indulgence qui ne sont pas de ce monde. (...) Le 17 à 2 heures après minuit, mercredi il a passé dans une autre vie souriant jusqu'à l'avant-dernière minute qui a précédé sa fin -embrassant Gutmann et cherchant à embrasser Mme Clésinger (...). Quelques heures avant d'expirer il a demandé à Mme Potocka trois mélodie (sic) de Bellini et de Rossini qu'elle a chantée (sic) au piano toute (sic) en sanglotant, il les a écouté (sic) en sanglotant, il les a écouté (sic) religieusement comme le dernier son de ce monde (...). Le troisième jour, le corps embaumé et complètement vêtu était exposé au milieu des fleurs, et amis et indifférents étaient libres de donner le dernier regard aux traits du Grand Maître (...).
Extrait d'une lettre de Albert Grzymala à Auguste Léo, de Paris, entre la mort et les funérailles de Chopin (lettre en français)
Toile par Teofil Kwiatkowski en 1849. Chopin est assis sous un baldaquin ; à côté de lui, la princesse Marcelina Czartoryska ; à droite, assis, l'ami de Chopin, Wojciech Grzymala ; derrière, Kwiatkowski ; à gauche, assise, la soeur de Chopin, Ludwika Jendrzejewicz, et derrière elle, l'abbé Aleksander Jelowicki
Peu avant de mourir, d'une intransigeante conscience artistique, Chopin demanda que toutes ses compositions non achevées soient brûlées "au nom de l'attachement qu'on me porte", à l'exception du commencement d'une méthode qu'il lègue à Alkan et Reber, car "je ne veux pas que sous la responsabilité de mon nom il se répande des oeuvres indignes du public". Cette volonté -qui faillit priver le monde du trésor de ses oeuvres posthumes- ne fut pas respectée.
Beaucoup de témoignages divergent sur les dernières paroles prononcées par Chopin, sur ce que chanta Delphine Potocka (certains parlent d'un Psaume de Marcello et de l'Hymne à la Vierge, de Stradella), sur la présence même de Gutmann, niée par la propre nièce de Chopin -Louise Jendrzejewicz-Ciechomska.
"Le 16 octobre au soir, deux médecins l'examinèrent. L'un deux, le docteur Cruveilhier, prit une lumière, la tint devant le visage de Chopin, qui était devenu blanc de suffocation, et nous fit remarquer que les sens avaient cessé d'exister. Mais quand il demanda à Chopin s'il souffrait, nous entendîmes encore distinctement la réponse : "Plus". C'est le dernier mot que j'ai entendu sortir de ses lèvres. Il mourut sans souffrance entre trois et quatre heures du matin, le 17 octobre". (Charles Gavard).
Enfin, laissons Solange Sand -"Sol" comme aimait l'appeler Chopin- nous apporter son témoignage sur l'être que fut le grand compositeur :
"Chopin ! L¨âme exquise, le génie original et merveilleux, la tendresse, la résignation, l'honneur ! Les façons parfaites, l'esprit aimable, gaiement et doucement ironique ; la générosité incommensurable... toutes les générosités : celle de l'esprit, du coeur, du talent, de la bourse. J'ai fini de grandir sous le piano de Chopin ; et les enchantements de sa musique divine sont restés dans mon âme avec les trop rares doux souvenirs reconnaissants de mon enfance. (...) Vers neuf ans, l'enfant voit arriver à Perpignan où on l'avait emmenée enfin ! un nouvel ami. D'instinct (...) la petite se prend d'aversion pour l'intrus. Et cette horreur inspire au survenant une estime singulière. Il passe des années à vaincre cette animosité, à essayer de rétablir l'équilibre entre le frère et la soeur dans le coeur maternel. A force de bonté, de pieuse tendresse, d'appui, de louanges et d'encouragements délicats envers une enfant toujours bourrée, il réussit à se faire tolérer d'abord, puis apprécier, et enfin chérir ! (...) L'ami de Perpignan, de Majorque, de Nohant et de Paris, c'était Chopin. Ami toujours excellent, toujours dévoué, toujours paternel et tendre, jusqu'à la dernière lueur de vie. (...). Le respect, l'adoration, un vrai culte est resté dans l'enthousiasme de tous ceux qui l'ont connu et entendu. Personne n'a ressemblé à Chopin, personne ne le rappelle même de loin. Et personne n'expliquera assez bien tout ce qu'il était. Quelle mort de martyr, quelle vie martyrisée elle-même pour une créature si parfaite, si pure de tout alliage. Sûrement, il est au ciel... si...
Extraits de la lettre de Solange Sand à Samuel Rocheblave, Montgivray, 19 janvier 1896