En réponse aux questions de Frania Wisniewska (voir Chopin : Bio01 - commentaires), voici quelques précisions sur l'historique du "parcours" du coeur de Chopin (voir aussi les articles précédents), les deux dates de naissance du compositeur -l'une officielle, l'autre officieuse, et la question toujours posée de la véritable nationalité de ce "citoyen du monde". N'hésitez pas à apporter des précisions supplémentaires...
En ce qui concerne le cœur de Chopin :
L’urne qui le contenait fut emporté par Ludwika lorsqu’elle quitta Paris avec sa fille le 02 janvier 1850, ainsi que la cassette qui contenait les lettres de George Sand. Pour passer la douane russe à Mislowicz, Ludwika dissimula l’urne sous sa robe. A son retour à Varsovie, le cœur resta un certain temps dans la maison familiale, car son dépôt dans les Catacombes présentait certaines difficultés. Grâce à l’intervention de l’évêque Deckert –ancien pensionnaire de Nicolas Chopin, et la protection particulière de presque tous les représentants du clergé, le cœur put enfin être déposé dans les Catacombes. L’urne fut placée dans un beau coffre d’ébène sur lequel était peint un cœur en argent avec une inscription appropriée. Puis, ce coffre hermétiquement fermé fut placé dans un coffre plus grand en chêne qui fut alors scellé et déposé dans les Catacombes.
Après des années de démarches, en 1878, Antoni Jedrzejewicz, fils de Ludwika et neveu de Chopin, obtint que le cœur du compositeur fut transféré de la crypte de l’église à la nef, à condition qu’il n’y ait pas de cérémonie officielle (autorités russes obligent… Chopin représentait toujours une force subversive !). « Effectivement, cela se passa le soir, dans le silence, en présence de quelques personnes à peine (…). Quand l’ouverture du pilier où avait été déposée l’urne fut murée, une pensée s’imposa à la famille, il faudrait élever un monument à cet endroit. Cela se concrétisa par un très beau monument composé par Marconi, exécuté par Andrzej Pruszynski ».
Ludwika, décédée en 1855, ne put donc pas assister au dépôt du cœur de son frère dans le pilier.
Le cœur fut ensuite provisoirement déplacé en août 44 pour échapper aux bombardements, remis à l’archevêque de Varsovie, transféré à Zelazowa Wola puis enfin, replacé dans la nef de l’église Ste Croix lors d’une cérémonie officielle en 1945.
Pourquoi la date du 22 février, reconnue pourtant comme étant erronée, figure-t-elle encore et toujours sur tant de plaques et de monuments ?
Chopin est bien né le 1er mars 1810, on ne peut contester les témoignages de Chopin lui-même, de sa mère et de ses proches. Malheureusement, c’est bien la date du 22 février qui est gravée sur de nombreux monuments et plaques commémoratives en Pologne et en France, et qui est reprise par de nombreux biographes. Pourquoi ? Parce que c’est la date officielle indiquée par les registres paroissiaux découverts en 1893 à Brochow. Mais il y a également eu confusion par le passé sur l’année de naissance. En effet, Izabela Chopin et Julien Fontana tenait 1809 pour la date de naissance de Chopin, ce qui fut repris par de nombreux biographes du 19ème siècle. Chopin lui-même, dans sa prime jeunesse, ne retenait jamais son âge, d’autant que ses parents le vieillissaient toujours d’une année lorsque l’enfant donnait une prestation publique...
En ce qui concerne la nationalité de Chopin, elle prête là encore à confusion. D’un point de vue purement juridique, Chopin serait français. En effet, selon le Code Napoléon de 1804 en vigueur à l’époque, et applicable à Chopin, seule l’acquisition de la nationalité par le sang comptait (celle par le sol ne s’appliquera qu’à partir de 1945). Article 10 du code civil : « Tout enfant né d’un français à l’étranger est français ». Cette nationalité française sera également authentifiée sur le passeport qui est délivré à Chopin par les autorités françaises le 07 juillet 1837. Cependant, trois autres articles du Code Civil frappaient le père de Frédéric Chopin et lui ôtaient sa qualité de Français (les articles 17, 18 et 21) : il avait pris du service militaire à l’étranger sans autorisation du Roi (il s’était engagé dans la Garde Nationale) et accepté des fonctions publiques conférées par un Gouvernement étranger (il fut professeur au Lycée, à l’Ecole d’Artillerie et du Génie, à l’Ecole Militaire préparatoire). Chopin était donc né d’un français qui aurait perdu sa nationalité française. D’où la confusion, d’où la revendication de la Pologne comme de la France à « s’approprier » Chopin... Alors, quelle est donc véritablement la nationalité de Frédéric Chopin ?