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29 décembre 2010 3 29 /12 /décembre /2010 19:13

 

 

... Chopin traversait parfois des moments d'exaltation de l'ouïe, et, à ces instants-là, son sens acquérait une sensibilité extraordinaire : il entendait alors des sons inaudibles pour l'oreille humaine [...] Il était, surtout au cours des dernières années de sa vie, tellement mince et délicat, tellement frêle et presque transparent [...] qu'il semblait n'être plus un homme, mais un délicat insecte ailé qu'il fallait toucher avec une extrême précaution pour ne pas l'abîmer.

 

 

 

Propos de Norwid, cités par Edward Siwinski (1849)

 

 

 

 

 

 

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 20:28

 

 

La souplesse physique de Chopin était légendaire, notamment telle qu'il la déployait dans ses fameuses pantomimes improvisées. Au dire de Gutmann, il était capable de passer ses jambes par-dessus ses épaules. Stephen Heller constate "quel étonnant spectacle c'était de voir une de ses petites mains s'étendre pour couvrir un tiers du clavier [dans des formules en arpèges !] : c'était comme un serpent qui ouvre la gueule, s'apprêtant à ne faire qu'une bouchée d'un lapin. Au vrai, Chopin semblait être de caoutchouc". Enfin, Mme Peruzzi remarque : "Ses doigts semblaient n'être que chair et muscles ; aussi leur élasticité lui permettait-elle des effets tout à fait extraordinaires".

 

 

 

Extrait de "Chopin vu par ses élèves" de J.J. Eigeldinger

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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 21:02

 

Solange Clésinger, fille de George Sand, adresse le 19 janvier 1896 une lettre-souvenirs à Samuel Rocheblave. La phrase conclusive de cette lettre était la suivante : "L'an passé, j'ai écrit (pour une demande) une vingtaine de pages sur lui [Chopin]. Elles ont été trouvées trop dures (vous devinez pour qui [Aurore Sand en ce qui concerne sa grand-mère George Sand] et travaillées." Roger de Garate (ancien secrétaire de la Société des Amis de George Sand) précise : "Ce qui est coupé, c'est Aurore Sand qui l'a coupé devant moi. " Des ciseaux vigilants ont en effet découpés en maints endroits du manuscrit, des phrases, fragments de phrases, voire des paragraphes entiers. Ces coupures sont précisément pratiquées dans des contextes qui ont trait de près à G. Sand et qui ont été jugés "trop durs" par la petite-fille de la romancière.

 

Pour situer ces souvenirs dans leur juste éclairage, il convient de rappeler les sentiments d'hostilité qui ont fortement marqué les rapports de la mère et de la fille, en qui le ressentiment ne s'était pas éteint, même après la mort de G.Sand.

Solange ayant vécu plus de dix ans dans l'entourage immédiat de Chopin, son témoignage revêt un caractère assez privilégié, à condition d'être replacé dans la perspective affective -et chronologique- dans laquelle il a été écrit. Il renferme notamment des notations précieuses sur le caractère de Chopin, sur ses goûts artistiques et sur ses derniers moments -objet de récits controversés.

 

L'autographe du texte de S.Clésinger est conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris.

 

(Extraits des notes de Jean-Jacques Eigeldinger, dans le n° 5 de la Revue Musicale de Suisse Romande - 1978)

 

 

Solange Sand enfant        

 

Solange enfant, telle que l'a connue Chopin au début de sa liaison avec G. Sand

 

  Solange Clésinger

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chopin ! âme d'élite, esprit charmant, enjoué aux heures où la torture physique lui laissait quelque répit. Distinction innée, manières exquises. Sublime et mélancolique génie ! La droiture, l'honnêteté la plus pure, la délicatesse la plus fine. La modestie de bon goût, le désintéressement, la générosité, le dévouement immuable.

 

Une âme d'ange, jetée sur la terre en un corps martyrisé pour y accomplir une rédemption mystérieuse. Est-ce parce que sa vie fut une agonie de trente-neuf ans que sa musique est si élevée, si suave, si sublime ? On a mis une lenteur injuste et sotte à reconnaître en lui un grand Maître. Si l'on a trouvé à ses oeuvres le tort de ne pouvoir être interprétées par le premier industriel venu en doubles croches, et comprises par le vulgaire, c'est qu'elles étaient distinguées, originales, géniales (selon un mot moderne). Ce blâme est un éloge. Qui ne l'a entendu, lui, ou à défaut, une de ses élèves préférées : Madame la princesse Marcelline Czartoryska, Melle O'Meara, Melle de Rozières, ne connaît même pas le genre de sa musique.

[...] Les femmes, les enfants (le jeune Filtsch mort si tôt !) apportaient un sens plus fin que les talents masculins à la traduction de cette musique céleste, même lorsque leurs doigts n'égalaient pas l'agilité et la force d'une main plus exercée et plus solide. Car il ne s'agissait pas de taper fort, de cavatiner avec hardiesse et dextérité. Liszt rendait mal ces mélodies adorables. Il les sabrait. Il fallait, sans cogner, sans frapper, sans casser, tirer d'un instrument ingrat le son terrible et vibrant de la colère, de la détresse, de la victoire ou de la défaite. Sous les doigts souples et nerveux de la petite main pâle et frêle de Chopin, le piano devenait une voix d'archange, un orchestre, une armée, un océan en furie, une création de l'univers, une fin du monde. [...]  George Sand avait donné un titre à chacun des préludes admirables de Chopin. Ils ont été conservés sur un exemplaire donné par lui. [...]

C'est un génie à part, totalement individuel et précieux. C'est une âme qui s'exprime. Et qui s'exprime aussi bien avec la séduction délicate que par la force magistrale.

 

Son caractère était celui d'un malade. Gai, cordial, animé quand il ne souffrait pas trop. Mélancolique et découragé lorsque le mal le terrassait. Comme sa musique, il était tendre et passionné. Il laissait voir des singularités, des partis pris nés d'un rien, des aversions voilées mais opiniâtres, puis des engouements de toute la vie. Car il ne se reprenait pas, une fois qu'il s'était donné. Chopin goûtait peu l'entourage de George Sand. Avec un tact, une intuition divinatoire, il savait démêler les vrais et rares amis sérieux des intéressés et des pleutres. [...] On lui plaisait, on lui était antipathique à première vue et à tout jamais. Il faut avouer que sa perspicacité ne se montrait guère en défaut. S'il était bon et compatissant, très secourable à la peine réelle, il était difficile de le tromper par rouerie ou pleurnicherie. Très poli, il avait une quinte de toux pour s'esquiver lorsqu'une personne peu à son gré pénétrait dans le salon où il se trouvait. Il lui arrivait parfois d'aimer un artiste dont le talent le laissait indifférent ou hostile. Ainsi Eugène Delacroix. Le contraire avec Henri Heine dont le cynisme judaïque lui répugnait, mais dont les poësies délicieuses le charmaient, dont l'esprit endiablé l'amusait. Par impulsion naturelle et non-raisonnée, il s'avouait Ingriste et Schefferiste. Il admirait Raphaël, le Pérugin, Angelico, Sassoferrato. Il ne comprenait ni Rubens ni Michel-Ange. Du premier, il disait : "C'est un peintre de grosses fesses." Du second : "Ses modèles ont des tranchées. Ils se tortillent sous des douleurs atroces." Ainsi que pour celui de Delacroix, il ne s'enflammait pas pour le génie de George Sand. Les doctrines socialistes, les théories glorieuses de l'adultère, les idées égalitaires l'ennuyaient à mourir, même au plus fort de sa passion pour la dame de Nohant. Il souriait en disant : "Il faut bien que la Maman s'amuse !"

[...]

Les femmes, ô singularité ! dont on avait beaucoup parlé lui étaient désagréables. Etincelante d'esprit, d'originalité, de hardiesse et de trivialité, Mme Dorval ne lui plaisait nullement. Il ne goûtait même pas son talent. [...]

 

.................................................................................  (passage supprimé par Aurore Sand)

 

En retenant la main de Solange dans les siennes et en ajoutant : "Reviens ! ne me laisse pas seul !" Par seul, il entendait : sans rien d'elle ! [G.Sand]. Car ses amis ne l'abandonnaient pas. En 1848, il avait passé en Angleterre. [...] Il revint très délabré et s'installa rue de Chaillot [...] Les soirées passées près de lui étaient pourtant à fendre l'âme la plus dure. Sa respiration haletante n'était plus que cris entrecoupés et lamentables, que sanglots atroces. Il commença à enfler. On l'emporta Place Vendôme plus mort que vivant. Par momens, il se faisait illusion sur son état et communiquait ses projets d'art et d'aménagement de son logis pour des concerts de chambre. [...]

 

 

La fille de George Sand était une enfant difficile. Pour la réduire, sa mère l'avait mise en pension à Paris. Mais l'insubordonnée s'insurgeait éternellement contre la règle, la communauté, le travail quotidien. La pension était pour elle une geôle, un enfer. Les vacances, c'était la délivrance. Quand il fallait rentrer, le désespoir la saisissait. Elle comptait avec effroi les jours, les heures, les minutes finales de sa liberté !  Un dernier soir, elle dînait en famille chez Madame Marliani. Après le repas, elle reçut l'ordre d'aller dormir afin d'arriver de bonne heure le lendemain à la pension. L'enfant partit dans une sombre consternation. Elle avait rêvé l'attendrissement de la dernière heure pour la soustraire au supplice. Elle regagna par les jardins le gîte maternel. Le salon était ouvert. Elle pénétra dans l'obscurité et, se jetant sur un coussin, elle éclata en sanglots. Tout à coup, une musique céleste charme son oreille. Elle écoute, cesse de pleurer, se calme. C'est Chopin ! Chopin qui l'a devinée, suivie, et qui, ne pouvant rien dire pour la consoler, ne trouvant peut-être pas les paroles, se sert du langage des anges pour engourdir sa douleur. Il joua longtems. Qu'improvisa-t-il dans ce salon obscur ?  Sans doute un chef d'oeuvre de tendresse et de charitable amour. Car la petite se rapprocha,  se blottit à ses pieds et l'écouta avec ravissement.  Quand il fut assuré qu'elle ne pleurait plus, il lui prit la tête entre ses mains, posa un baiser sur ses cheveux. Une larme glissa sur le front de la fillette. O larme sacrée d'un génie compatissant, larme chrétienne, larme divine !

[...]

 

(Extraits de la lettre-souvenirs de Solange Clésinger)

 

 

NB : les archaïsmes de l'auteur Solange Clésinger ont été respectés.

 

 

george-sand-fille-L-2

  

                                    Solange Clésinger (1828-1899)

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 18:57


Chopin aimait la compagnie des animaux familiers comme les chiens et les chats.


Septembre 1840 :

 

Un  soir, il [Alkan] surprend Chopin en adoration devant un peit chien pas plus gros que le poing, couleur café au lait foncé, avec un gilet blanc, des bas blancs par devant et des souliers blancs par derrière, le prenant sur ses genoux, le caressant tendrement, lui baisotant la truffe. "Il m'attendait rue Tronchet, et, malgré mes gestes de désaccord, dépourvus d'ambiguïté, il m'a suivi jusqu'à la rue Pigalle, et a réussi à se glisser ici en même temps que moi quand j'ai ouvert la porte. Vilain monsieur, va !"    Mais le ton dément l'apostrophe. Mme Sand gronde, tout attendrie pourtant : "Frédéric ne donnera sans doute pas de leçons demain, et les jours suivants pour cause de chien. Figurez-vous que tout cet après midi il n'a fait qu'une chose : s'en occuper ; pour l'en remercier l'affreux cabot a fait son quelque chose sur ce tapis et nous a généreusement refilé ses puces."

Entendant qu'elle parle de lui, le chien vient se coucher sur ses pantoufles. "Et comment s'appelle-t-il ? - Mops, cela veut dire roquet, en polonais."

Chip Chip - c'est ainsi qu'on appelle Chopin, rue Pigalle - et Mops sont inséparables. Hélas ! pour peu de temps : le chiot ne garde pas longtemps son patronyme polonais : son légitime propriétaire, après quelques jours de recherches, vient récupérer Mops, de son nom véritable Antinoüs, laissant Chip Chip inconsolable.

 

 

(Extrait de La grande sonate, par Claude Schopp)

 


"Nous avons depuis ce matin un délicieux petit chien, gros comme le poing, couleur café au lait foncé, avec un gilet blanc, des bas blancs par devant et des souliers blancs par derrière. Ce monsieur a suivi Chopin dans la rue et il n'a jamais pu s'en défaire alors, grand miracle, il a pris ce chien en adoration et toute la journée il s'en est occupé quoiqu'il ait fait son quelque chose sur le tapis du salon et qu'il nous ait donné des puces. Chopin trouvait tout cela charmant parce que le chien lui faisait des caresses et ne pouvait pas souffrir Solange. Solange en était d'une jalousie féroce. Maintenant le toutou dort sur mes pieds. Il s'appelle Mops, ce qui veut dire tout bonnement roquet en polonais."

Extrait de la lettre de George Sand à Maurice Dudevant, le 20 septembre 1840



Chopin fut au désespoir lorsque le maître de Mops retrouva la trace de celui-ci et revint le chercher...
Chopin fut par la suite le préféré de Marquis, petit chien de George Sand à Nohant, dont les tournoiements lui inspirèrent la célèbre valse (dite "du Petit Chien").
Dans son enfance, c'est son chat favori qui, en marchant sur le clavier, lui dicta en quelque sorte l'une de ses premières oeuvres.

Annotations de Bronilas Edouard Sydow



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11 juin 2009 4 11 /06 /juin /2009 20:52










Chopin vénère son pays, la Pologne. Pour lui, l'image de Varsovie occupée est comme une plaie inguérissable, et d'autant plus douloureuse qu'il n'a point participé à la lutte. Ses sentiments, dès l'enfance, ont été ardemment patriotiques, ranimés sans cesse par l'image des héros nationaux. "Au crépuscule, rappelle Slowacki, qui fut pensionnaire chez les Chopin, nous racontions des épisodes de l'histoire de Pologne tels que la mort du roi Wladyslaw III, la mort de Zolkiewski, les batailles livrées par nos chefs, et le petit Chopin nous jouait tout cela au piano".
Tous ses amis de jeunesse seront des patriotes qui se battront plus tard contre les Russes. De constitution fragile, Chopin, lui, s'exilera en France et mettra toute son ardeur patriotique dans sa musique. Il deviendra l'incarnation du patriotisme polonais.

"Pourquoi est-ce en Chopin que parle aussi fortement l'âme de la nation ? Pourquoi la voix de notre race jaillit-elle de son coeur, comme des profondeurs inconnues de la terre jaillit la source vivifiante ? (I. Paderewski)

Même s'il avait fini par se sentir totalement français, Chopin n'oubliera jamais la Pologne (qu'il a quittée à l'âge de 20 ans) qu'il chérira jusqu'à son dernier souffle.

Après sa disparition survenue le 17 octobre 1849 à Paris, et selon sa volonté, sa soeur Ludwika ramènera son coeur à Varsovie. L'urne le contenant sera scellée dans un pilier de l'Eglise Sainte Croix, à quelques mètres du dernier logement varsovien de Chopin. Elle sera déplacée durant la deuxième guerre mondiale afin d'être mise à l'abri de la destruction, et replacée après la guerre. Elle s'y trouve toujours.












Eglise Sainte Croix à Varsovie (le coeur se
trouve dans le bas du pilier au premier plan,
surmonté du buste de Chopin)



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19 mars 2009 4 19 /03 /mars /2009 22:57









A partir du tableau de Miroszewski et de plusieurs documents graphologiques, le psychologue André Rabs a tracé à la demande de Marise Querlin, auteur de Chopin, explication d’un mythe, la « silhouette caractérielle » de Chopin :

 

« Déductif plus qu’intuitif en dépit des apparences. Très forte fixation au passé. Sociabilité élective. Volonté très forte, pouvant aller jusqu’au despotisme. Plan instinctif très développé, mais n’allant que jusqu’au plan affectif. La spiritualité n’apparaît qu’à la fin de l’existence. Imagination précise et concise. Paradoxalement, le sens artistique n’apparaît absolument pas dans le graphisme : ce sens est chez Chopin en surcharge, comme un dédoublement de la personnalité. Cette écriture se rapproche étonnamment de celle de Pascal. Comme la sienne, elle dénote, notamment par la lettre f qui n’est plus qu’une barre, une sorte de stérilité, la brûlure intérieure qui signe les névropathes. Sur la fin de la vie se montre un besoin d’ouverture, d’extériorisation, alors que, dans la première partie, se montre une réserve, une contention excessive. S’il n’était mort si tôt, le scripteur aurait réalisé quelque chose de très étrange sur le plan métaphysique. Il a essayé de s’y raccrocher sans y parvenir. Sur sa fin, une agressivité terrible se manifeste et il devient extrêmement dur : il happe comme un hameçon. Cette graphologie implique également qu’il doit souffrir des yeux et qu’il fut comme une boule de feu, transfigurant l’intérieur mais dévastant tout sur son passage ».

 

Comme beaucoup de grands nerveux, Chopin bénéficie d’une étonnante faculté de distraire son chagrin. Sa sensibilité très vive lui fait ressentir tous les chocs affectifs avec une grande violence, mais il les « encaisse », au double sens du terme : d’abord, il n’en accuse pas immédiatement le contrecoup ; ensuite, il les met en jachère, comme en réserve. Ils resserviront, souvent apaisés par le temps, ou bien, au contraire, exaltés par l’éloignement. Avec Chopin, rien n’est jamais perdu. Mais ses réactions sont lentes. Toujours, il prend le temps de « digérer » -qu’il s’agisse d’une peine, d’un événement grave, ou d’une simple nouvelle.



Portait à l'huile de Frédéric Chopin, par Ambrosy Miroszewski, 1829

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