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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 20:42

 

"Beethoven mal joué est ennuyeux ; Chopin mal joué est insupportable." Cette affirmation péremptoire de Dominique Jameux résume une indubitable constatation : la poésie exaltée qui fonde l'art musical de Frédéric Chopin peut facilement se défaire en une mièvre sensiblerie, tout comme elle permet, si elle est magnifiée par des mains et un esprit aguerris, de tendre à l'état de grâce. Celui-ci fut heureusement approché à plusieurs reprises, l'oeuvre chopinienne occupant depuis son origine une place de prédilection dans la formation et le répertoire des virtuoses du piano.

 

De son vivant, Chopin s'entoura des meilleurs pianistes de son temps qui défendirent et diffusèrent sa musique hors des cercles étouffants de la mondanité et au-delà des frontières de la France, tels Ferdinand Hiller (1811-1885), George Osborne (1806-1893), qui, dans ce répertoire, suscitait l'admiration d'Hector Berlioz, Clara Schumann, née Wieck (1819-1896), l'une des premières à répandre les créations du maître polonais en Europe, ou encore Franz Liszt (1811-1886), qui poursuivit entre 1839 et 1847 une éminente carrière de concertiste dans un répertoire s'étendant de Johann Sebastian Bach à Chopin dont il appréciait notamment l'originalité compositionnelle. A sa suite, d'autres célèbres pianistes-compositeurs trouvèrent en Chopin l'une des voies privilégiées de leur expression, dont Ignacy Jan Paderewski (1860-1941), qui surfa sur la vague du nationalisme pour susciter l'enthousiasme à chacune de ses exécutions de la musique de son compatriote, et Serge Rachmaninov (1873-1943), doté d'une maestria légendaire du plus bel effet dans le répertoire chopinien, particulièrement la Deuxième Sonate, bien que n'hésitant pas à s'octroyer quelques libertés vis à vis de la partition afin d'y exprimer sa vision toute personnelle.

 

Quelques disciples de Chopin transmirent les secrets de sa technique pianistique, faisant ainsi école. Emile Descombes et Georges Mathias formèrent au Conservatoire de Paris Alfred Cortot (1877-1962), qui, bien que possédant un répertoire immense, fut surtout acclamé pour sa compréhension sensible de la musique romantique et chopinienne avant d'être vilipendé par les modernistes durant les années 1950-1960,  lui préférant "l'objectivité" d'un Maurizio Pollini. Pédagogue réputé, A. Cortot enseigna au sein de ce même conservatoire et travailla avec trois pianistes qui excellèrent dans l'interprétation de Chopin : Vlado Perlemuter (1904-2002), personnalité effacée qui tenta de réhabiliter le Chopin authentique, sans langueurs ni artifices ; Samson François (1924-1970), incarnation de la verve rhapsodique encensée par Vladimir Jankélévitch, qui se démarqua par son incroyable pouvoir narratif, l'expressivité de son chant et sa spontanéité enfantine ; Dinu Lipatti (1917-1950), le miraculeux, seul pianiste au monde pouvant "se flatter de rejoindre à ce point l'auteur qu'il interprète", atteignant une perfection jugée "inégalable" (Camille Bourniquel). Karol Mikuli, autre élève de Chopin à Paris dans les années 1840, tenu en profonde estime par ce dernier qui en fit son assistant et son copiste, légua son héritage à l'oublié Raoul Koczalski (1884-1948), considéré comme l'un des meilleurs pianistes polonais de sa génération et comme "le plus pur représentant de la tradition chopinienne" (Philippe Morant).

 

Depuis 1927, quelques prodigieux talents furent découverts et consacrés par le Concours international de piano Chopin, particulièrement entre 1955 et 1975. Retenons Vladimir Ashkenazi (né en 1937), la farouche et éclectique Martha Argerich (née en 1941), Maurizio Pollini (né en 1942), exemple frappant de maîtrise absolue du clavier auquel il est parfois reproché une certaine distance émotionnelle, signe d'une rigueur musicale qui refuse de se compromettre avec la sensiblerie et dont l'enregistrement du Premier Concerto reste une référence, Krystian Zimmerman (né en 1956), le plus jeune primé de ce concours en 1975, se distinguant par l'élégance, la finesse et l'intelligence de son jeu. Celui-ci eut la chance de se perfectionner auprès de l'indémodable Arthur Rubinstein (1887-1982) qui possédait ce don rare de faire parler et chanter chaque note et légua une interprétation "idéale" de Chopin (Max Loppert), perfectible dans sa virtuosité mais imprégnée d'une éloquence à la fois passionnée et contenue et d'une aristocratique poésie.

 

 

Carine Seron

Université libre de Bruxelles

(brochure "Chopin 2010 en Belgique")

 

 

 

 

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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 23:01

 

 

Autoportraits, par Abel de Pujol

 

Exposition permanente au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes

 

 

 

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Photos par Carmen Desor

 

 

 

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 18:57

 

"1889. Le monde moderne découvre la machine à vapeur, la Tour Eiffel, commencée en 1887, domine désormais Paris. Aux États-Unis le célèbre Thomas Edison nourrit ses contemporains d’inventions toutes plus géniales les unes que les autres: l’ampoule à incandescence, la centrale électrique, l’amélioration du téléphone, et aussi le phonographe. Pour promouvoir cette dernière invention, il envoie un des ses collaborateurs, Adalbert Theodor Edward Wangemann, à l’exposition universelle de Paris. Afin de se faire de la publicité, Wengemann part faire un tour d’Europe. Son but: convaincre les hommes les plus célèbres de l’époque d’enregistrer leur voix sur la toute nouvelle «machine à parole» ou «Speakmachine».

 

 

[...]       Edison assis au centre et Wangemann debout derrière lui

Edison assis au centre, et Wangemann debout derrière lui
Les cylindres dormaient dans les archives d’Edison

 

"La venue de Wengemann, collaborateur du grand savant Edison, n’était pas passée inaperçue à l’époque. Les journaux allemands de la région de Hambourg avaient rapporté l’événement et les paroles enregistrées par le Bismarck. Mais le cylindre ayant servi à l’enregistrement était depuis considéré comme perdu.

Il se trouvait en fait caché derrière le lit d’Edison, dans une boîte en bois. En 1957, le contenu de sa bibliothèque, boîtes comprises, part dans les archives de l’inventeur. Il faudra attendre cinquante années supplémentaires pour que des chercheurs s’intéressent aux 17 cylindres abîmés entreposés dans ces vielles caisses. Un scientifique allemand, Stephan Puille, qui s’est spécialisé dans la restauration des très vieux enregistrements, est convié à travailler sur les cylindres. En entendant le nom du lieu de l’enregistrement «Friedrichsruh», qui est très distinct, il comprend que la découverte est sensationnelle, et qu’il s’agit de la voix du chancelier. "

 

[...]   Phonographe-utilise-par-Wangemann.jpg

 

Phonographe utilisé par Wangemann

 

 

 

"Lors de son voyage en Europe, Wengemann a réussi d’autres premières. Il a enregistré Johannes Brahms jouant la première de ses danses hongroises et a réalisé le tout premier enregistrement d’un morceau de Chopin, joué par le pianiste Otto Neitzel. Les monarques de l’époque ont été moins coopératifs: le tsar de Russie Alexandre III, l’empereur allemand Wilhelm II ont refusé de se laisser enregistrer, leurs voix restant à jamais inconnues. L’empereur d’Autriche et époux de Sissi Franz-Jospeh I se convertira plus tard au phonographe: on peut l’entendre encourager les troupes sur une bande de 1915"

 

Cylindre-d-Edison.jpg  Cylindre de cire

 

 

 

(Extrait de l'article http://actualites.senego.com/quand-bismarck-chantait-la-marseillaise)

 

 

 

 

Le musicologue, compositeur et pianiste Otto Neitzel enregistra un concerto de Frédéric Chopin le 23 janvier 1890 :

 

 

"Piano Concerto No. 2 in F minor, 3rd movement"  (EDIS 93948)
"Piano Concerto No. 2 in F minor, 3rd movement"  (EDIS 93948)
Title:  "Piano Concerto No. 2 in F minor, 3rd movement" (adaptation) by Frédéric Chopin
Performer:  Otto Neitzel (1852-1920) - piano
Recording date:  January 23, 1890
Recording location:  Pianohaus Rudolph Ibach Sohn, Neumarkt, Cologne, Germany
Recorded by:  Theo Wangemann
NPS catalog number:  EDIS 93948

Credit / Author: National Park Service
Date Created: 2012-01-30

Download Original File: edis-10-tenhp_edison_c_E-5777_edis-93948_20110415.mp3 (1357 KB)
[Right-Click and Select "Save As"]

 

 

(Extrait de l'article

 http://www.nps.gov/edis/photosmultimedia/prince-bismarck-and-count-moltke-before-the-recording-horn.htm )

 

 

 

Voir également l'article

http://www.nytimes.com/2012/01/31/science/bismarcks-voice-among-restored-edison-recordings.html?_r=1

 

 

 

 

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 16:30

 

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Ton dernier Noël, une ultime photo, une étreinte, complice, et cette étincelle dans tes yeux opaques, ton généreux sourire éclatant qui découvrait tes maigres crocs et ta languette rose. Le bonheur, comme une injure à ta maladie. Tu étais bien fatigué, Milor, de ces traitements innombrables et sans fin dissimulés dans la pâte molle d’un fromage dont, fort heureusement, tu raffolais ; de ces piqûres salvatrices qui te remettaient sur les rails pour quelques jours encore, pour quelques semaines..., parce que chaque minute supplémentaire était un cadeau du Ciel.

 

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C'est que tu en as connu, des grandes et des petites joies...

 

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 Ils m'emmenaient partout... J'ai même vu la mer !

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Alors, ce dimanche de janvier, tu t’es éclipsé, presque sur la pointe des pieds. Tu as choisi ce matin où Pascale n’était pas là, elle qui t’avait toujours accompagné en urgence chez le vétérinaire, parfois en pleine nuit. Elle n’assistera pas à ta dernière révérence, il fallait que tu lui épargnes cette épreuve.  C’est Jérôme qui a tenu dans les bras SON Milor sur la table du docteur qui t’aimait tant lui aussi. Aucun d’eux n’aura à décider du geste de ta délivrance, aucun d’eux ne voulait s’y résigner. Alors tu es parti en silence, dans les bras de Jérôme, sous la caresse de sa main qui réconforte, tandis qu’ils en débattaient en chuchotant presque, avec de drôles de tremolos dans la voix… Il fallait que tu leur épargnes cette épreuve, à eux aussi... Tu es parti en paix. « Il ne faut pas qu’ils soient tristes, pensais-tu peut être,  je voudrais bien rester encore, mon Dieu, je voudrais tant rester, ils m'aiment tant, et je suis si bien avec eux. Mais mes forces m’abandonnent, je n’en peux plus, je leur demande pardon de leur faire tant de peine. Ils me retrouveront un jour, je le sais, et avant ce moment merveilleux, j’habiterai leur cœur chaque heure de leur vie, je serai leur ange, je serai leur guide, j'apporterai la consolation, il ne faut pas qu’ils soient tristes… »  

Le feu a consumé ta chair et tes os. Tu restes ainsi près d'eux, comme un baume à leur amour inconsolé. Mon Milor, après dix ans de refuge, tu n'étais plus un chien sans collier, non. Tu avais un foyer bien à toi, tu étais LEUR chien, ils étaient TA famille. Il fallait bien que tu les trouves, ce fut ta victoire, comme un feu d'artifice en ce 14 juillet 2009. Ah, comme tu as salué chacun de tes compagnons d'infortune lorsqu'ils t'ont emmené... ! Marquant le pas à chaque box, aboyant un au-revoir à chacun d'entre eux. Tu l'avais bien méritée, ta part de bonheur, même si cet état de grâce t'était encore inconnu, si difficilement concevable... Tu commençais pourtant par être envahi de l'étrange sentiment  que derrière la porte du refuge, il y avait la lumière, les caresses, les mots d'amour, la bonne nourriture, la chaleur, le confort, les promenades et les soins dispensés sans compter. Et la certitude que plus jamais tu ne reviendrais dans ta prison.

Les Vache-qui-rit sont longtemps restées dans le réfrigérateur. Personne ne voulait commettre le sacrilège d'y toucher. Ta gamelle aussi, est longtemps restée près de celle de ton compagnon. Peut-être y est-elle encore... Le petit Louis t'a beaucoup réclamé, on lui a dit que tu étais au Paradis des Animaux, cela lui suffit, on accepte mieux quand est petit. Angèle est très triste, Pascale et Jérôme sont inconsolables et te pleurent sans arrêt. Tu leur manques tant.

 

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                                                       Avec mon frère Happy, qui me cherche partout...

 

Dix ans de refuge, c'est beaucoup, beaucoup trop. Deux ans et quelques mois d'amour, c'est bien peu, et c'est tant à la fois, parce que c'est la part de ta vie que tu as emportée avec toi dans la lumière, avec tous ceux que tu as aimés.

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 Au revoir, Milor, nous t'aimons tous 

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Milor, dix ans de refuge, et une autre vie du 14 juillet 2009 au 15 janvier 2012. Repose en paix, mon Ange...

   

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 21:33

Dans cette rubrique "Sur les pas de Chopin à Varsovie", je me propose de vous emmener, étape par étape, sur les itinéraires tracés par Jerzy Majewski dans son excellent guide du même nom et de reprendre l'essentiel de ses commentaires.

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Itinéraire I - Etape 11 : Nowy Swiat 32 (ex 1298)

 

 

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Du temps de Chopin, la rue Foksal n'était pas reliée à la rue Nowy Swiat. (cette liaison se fit en 1880). Ici se tenait un immeuble à un étage construit dans les années 1818-1820. Avant le soulèvement de novembre, c'était le domicile de Jan Siebert (env.1769-1849), grand propagateur du Romantisme. Celui-ci enseignait l'histoire, la géographie, l'allemand et le latin au Lycée de Varsovie et au pensionnat de Nicolas Chopin. Il rencontrait fréquemment le père de Fryderyk : ensemble ils jouaient aux cartes, fumaient la pipe et discutaient de l'art.

 

A partir de 1827, ce bâtiment fut le logement du Consul français à Varsovie, Raymond Durand (1786-1837), un partisan du roi Charles X. Après le renversement du roi par la révolution de 1830 à Paris, Durand resta à Varsovie au service du nouveau roi, Louis Philippe.

 

Cependant, durant un certain temps, son sort fut bien incertain. Dans une lettre à Tytus Woyciechowski datée du 22 septembre 1830, Fryderyk Chopin écrit même que Durand avait été révoqué et "voulait servir les Russes".

 

 

 

Photo par Carmen Desor

 

 

  

 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 13:39

 

Les compositeurs que faisait travailler Chopin en priorité à ses élèves étaient : CLEMENTI, MOSCHELES, BACH, HUMMEL et FIELD, comme en attestent les témoignages ci-dessous.

 

 

 

Commentaire de NEUHAUS :

 

"Chopin proposait à ses élèves, pour commencer, de jouer les gammes comprenant beaucoup de touches noires (la plus pratique pour la main droite étant celle de si majeur, et pour la main gauche celle de ré bémol majeur). Il passait progressivement à celles qui en comportent moins, et aboutissait à la plus difficile, qui n'a que des touches blanches, la gamme de do majeur. Son raisonnement était réaliste, pratique, fondé sur une expérience étendue. Et bien que Chopin, compositeur, pianiste et professeur de génie, ait vécu il y a longtemps déjà, des centaines et des milliers d'exercices, études et autres morceaux pédagogiques ont été écrits dans la tonalité chérie d'ut majeur, avec un visible mépris pour les autres tonalités chargées de diéses et de bémols. [...] Je tiens simplement à souligner que la théorie de l'art du piano est fonction de la structure physiologique de notre main et conserve une spécificité qui la distingue de la théorie de la musique. Chopin, professeur de piano, était un dialecticien ; les auteurs d'exercices "instructifs" sont des schématiseurs, pour ne pas dire des scholastiques."

A la lumière de ces considérations si pertinentes on entrevoit les raisons de mécompréhension de Cortot à l'endroit du PM  [Projet de Méthode de Chopin] ; si immense pianiste soit-il, les exercices de ses Principes Rationnels de la Technique Pianistique (Paris, Salabert) commencent quasi tous en do maj.  - étant entendu qu'ils sont à transposer dans les douze demi-tons !

On notera enfin que Chopin faisait travailler les Préludes et Exercices de Clementi dans le même ordre que les gammes ; on commençait par le second cahier qui comprend des études comportant quatre bémols ou dièses et davantage

 

Source : Jean-Jacques Eigeldinger (Chopin vu par ses élèves)

 

 

"Parallélement aux gammes et dans le même ordre de succession, Chopin faisait étudier les Préludes et Exercices de Clementi, oeuvre qu'il prisait à un haut degré en raison de son utilité pédagogique." (Mikuli)

 

 

Les élèves de Chopin, quel que fût leur degré d'instruction, devaient jouer tous avec soin, outre les gammes, le deuxième cahier des Préludes et Exercices de Clementi et travailler surtout la première Etude en la bémol. Toute note sèche ou dure était recommencée et sévèrement relevée. Pour comble de malheur, l'élève rencontrait, au commencement même, un arpège qui a fait verser bien des larmes. Il fallait l'exécuter rapidement, crescendo, mais sans brusquerie. C'est cet arpeggio qui a attiré à une élève cette apostrophe un peu trop verte de la part du maitre qui, tressautant sur sa chaise, s'écria : "Qu'est-ce ? Est-ce un chien qui vient d'aboyer ?"  Je tiens ce détail de feu Mme B[ohdana] Zaleska [Zofia Rosengardt], qui elle-même ne m'a pas ménagé les remontrances en m'indiquant quelques particularités du jeu de Chopin.

Il fallait travailler cette malheureuse Etude de toutes les manières : on la jouait et vite et lentement, et forte et piano, et staccato et legato, jusqu'à ce que le toucher devînt égal, délicat et léger sans faiblesse." (Kleczynski)

 

 

"Il donnait ensuite un choix d'Etudes de Cramer et du Gradus ad Parnassum de Clementi ; les Etudes de style de Moscheles qui lui étaient très sympathiques en vue d'atteindre un plus haut degré de perfectionnement ; des Suites de Bach et des Fugues prises isolément dans Le Clavier bien tempéré. [...] Il ne mettait ses propres Etudes op. 10 et 25 qu'entre les mains d'élèves très avancés." (Mikuli)

 

 

"Chopin donna d'abord à Mme Dubois le second cahier des Préludes et Exercices de Clementi, puis le Gradus ad Parnassum du même et les quarante-huit Préludes et Fugues de Bach. Il avait une haute idée de la valeur pédagogique des ouvrages de Bach ; cela ressort assez de sa recommandation - lors de leur dernière entrevue [1848] - de toujours travailler Bach. "Ce sera votre meilleur moyen de progresser". " (Niecks)

 

 

"Clementi, Bach et Field étaient toujours les auteurs les plus largement mis à contribution dans le cas des débutants." (témoignage de Mathias cité par Niecks)

 

 

Les Nocturnes de Field et les siens propres appartenaient aussi jusqu'à un certain point à la catégorie des Etudes. En les travaillant l'élève devait en effet se familiariser avec le legato, apprendre à aimer et à reproduire le beau son lié du chant - et ceci grâce aux explications du maître non moins qu'à son imitation, car Chopin ne se lassait pas de jouer ces oeuvres à l'élève." (Mikuli)

 

 

 

Source : Jean-Jacques Eigeldinger (Chopin vu par ses élèves)

 

 

 

 

 

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 20:09

 

Cet article est la suite du précédent article sur le sujet :   http://de-la-note-a-la-plume.over-blog.com/article-les-editeurs-de-chopin-93312337.html

 

 

"De façon évidente, ces trois principaux corpus [français, anglais, allemand] accusent de nombreuses dissimilitudes.

Dans le cas de l'édition française, Schlesinger travaillait à partir des partitions autographes et les varietur que l'on y rencontre peuvent souvent avoir été demandées ou pratiquées par Chopin lui-même. Si Chopin avait coutume de négliger les esquisses préliminaires et de passer directement du piano au manuscrit, ses textes autographes de présentation, les travaux de ses copistes, ses propres gloses et les premières éditions corrigées de sa main éclairent notre analyse des différentes strates de son complexe processus de composition. Les autres éditeurs, eux, utilisèrent des sources diverses : leur multiplicité et leurs variantes ont conduit à des problèmes cruciaux dans l'interprétation historique et stylistique du processus créatif de l'auteur.

 

Comme de juste, les premières éditions "complètes" restent sujettes à caution : par trop "libérales" pour nos critères modernes. La Schonenberger, éditée par Fétis en 1860, puis les éditions Stellovsky et Jürgenson, Litolff et Biehl : toutes assumaient cette règle implicite qui veut que l'éditeur sait mieux que l'auteur ce qu'il convient d'éditer. L'Edition Richault, établie en 1860 par le Norvégien T. Tellefsen, visait, elle, en revanche, à perpétuer la tradition vivante du jeu de Chopin. Elle fut suivie de la Gebethner & Wolff, de la Kistner, due à Karol Mikuli, établie sur les premières éditions françaises et allemandes, et sur moult suppléments issus des cours de Chopin : ce courant culmina avec l'Oxford Original Edition d'Edouard Ganche, inspirée presque entièrement par la collection annotée en sept volumes de Jane Stirling. Après la seconde guerre mondiale, la populaire Edition Paderewski, basée sur les travaux de Ludwik Bronarski, se révéla par trop défectueuse, permissive et approximative. Plus récemment, le Wiener Urtext souffrit d'une politique éditoriale inconsistante. Le Henle Urtext, sous la houlette d'Ewald Zimmerman, est presque achevé. Enfin, l'Edition Nationale Polonaise de Jan Ekier, soigneusement annotée et documentée, se révèle très satisfaisante même si elle comporte des options parfois contradictoires.

 

C'est que, de toutes ces éditions de Chopin, chacune semble avoir voulu véhiculer une image "cohérente" du compositeur. Comme si les Français s'attachaient à l'image d'un poète du piano nuancé, au raffinement érotique et souffreteux, comme l'a dépeint le film d'Andrzej Zulawski La Note Bleue. Comme si les Allemands s'efforçaient de lui ériger un mausolée nationaliste, afin de le faire sortir des salons et entrer dans le panthéon germanique "classique". Comme si, depuis Balakirev, Saint Pétersbourg voulait en faire un auteur slave et moderniste. Comme si l'Angleterre ne percevait que le Chopin domestiqué et policé, victorien même, aux versions simplifiées iconiques et dandies. Comme si le pédagogue élitiste, l'interprète mondain et le porte-parole révolutionnaire devaient masquer la présence dérangeante du pur compositeur - lui qui se voyait compositeur avant tout. "

 

 

Sandrine Thieffry

Bibliothèque royale de Belgique

 

 

 

 

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 18:14

Dans cette rubrique "Sur les pas de Chopin à Varsovie", je me propose de vous emmener, étape par étape, sur les itinéraires tracés par Jerzy Majewski dans son excellent guide du même nom et de reprendre l'essentiel de ses commentaires.

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Itinéraire I - Etape 10 : Al. Jerozolimskie 7

 

 

Le 5 août 1939, les collections de la Bibliothèque Nationale, comprenant les manuscrits de Chopin et les documents polonais les plus précieux (dont the Kazania Swietokryskie (les Sermons de la Sainte Croix) et Kronika Wincentego Kadlubka (Les Chroniques de Wincenty Kadlubek) furent placés dans un coffre de la puissante Bank GospodarstwaKrajowego, construite entre les deux guerres.

 

 

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Photos par Carmen Desor

 

 

 

 

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 18:02

 

"... on dansait le Mazur dans les réceptions privées qui se terminaient souvent par un bal improvisé où, dans la bonne humeur, on initiait les étrangers aux figures très expressives de cette danse nationale. Ainsi le violoniste Eugène Sauzay (1809-1901), élève et futur gendre de Baillot, reçut-il de Chopin une leçon de danse qu'il n'oublia jamais :

 

   

Ma tante Paillet recevait beaucoup, on dansait chez elle tous les dimanches. Un soir, je vis entrer dans le salon un jeune homme blond, de figure délicate et distinguée, qu'une jeune nièce de ma tante, née en Pologne, lui présenta. C'était Chopin. On allait danser ; il se mit au piano et nous joua sa mazurka en si bémol ; ensuite, il voulut nous apprendre à la danser. Je le sens encore, me prenant les deux mains, et m'entraînant autour du salon, pour me montrer le pas. Revenu au piano, il nous charma par une musique toute nouvelle et une exécution surprenante. Nous ne comprenions pas alors qui nous avions devant nous. "

   

Brigitte François-Sappey, "La vie musicale à Paris à travers les mémoires d'Eugène Sauzay", dans Revue de Musicologie, vol. LX (1974)

 

 

 

 

 

 

Source : Marie-Paule Rambeau (Chopin, l'enchanteur autoritaire)

 

 

 

 

 

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 22:42

 

Dans cette rubrique "Sur les pas de Chopin à Varsovie", je me propose de vous emmener, étape par étape, sur les itinéraires tracés par Jerzy Majewski dans son excellent guide du même nom et de reprendre l'essentiel de ses commentaires.

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Itinéraire I - Etape 9 : Nowy Swiat 8 (anciennement 1251)

 

 

Là où se trouvent actuellement les Quartiers Généraux de l'ancien Parti Communiste Polonais, il y avait un immeuble du 19ème siècle dans lequel vivait le poète Stefan Witwicki (1801-1847).

 

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Ce poète et écrivain était un ami très proche "de coeur et d'âme" de Chopin. Cette amitié se révéla très utile lorsque Witwicki tomba en dépression suite à l'accueil désastreux réservé à son oeuvre "Ballady i romanse". De nature sociable et toujours habillé avec une grande élégance, le poète s'isola alors de la société. Fryderyk passa de longues heures avec lui, il rencontra ici Antoni Odyniec et jouait avec Mery, le Greyhound de son ami.

 

Durant l'insurrection de Novembre, Witwicki écrivit à Chopin de cet appartement sur Nowy Swiat, le pressant d'écrire un opéra national.

"Cherche des mélodies slaves comme un minéralogiste cherche des pierres et des minéraux dans les montagnes et dans les champs.", lui conseille-t-il dans sa lettre.

 

Chopin composa dix chansons sur les vers de Witwicki.

 

 

 

Photos par Carmen Desor

 

 

 

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