Etude Op.10 n° 2 en la mineur (Allegro)
Le chromatisme (et le doigté approprié) est ici "le fruit d'un pianisme entièrement neuf et personnel, dicté par une auscultation autodidacte du clavier et par une sensorialité purement pianistique". (JJ. Eigeldinger, Chopin vu par ses élèves)
"C'est la version murmurée, ou plutôt effleurée, piano, du même courant ondulatoire que l'Etude précédente [op.10 n°1] traitait avec force et éclat. But de l'exercice : délier les doigts faibles, c'est à dire le 3ème, le 4ème et le 5ème, qui jouent la gamme chromatique en se chevauchant, alors que le pouce et le 2ème doigt jouent l'accord staccato qui marque le début de chaque mesure. Le rappel à quatre reprises de l'indication sempre legato justifie les doigtés originaux, destinés à conserver à la main une "tranquillité absolue, les doigts glissant sur les touches plutôt que les frappant" (Cortot) "
(MP. Rambeau, Chopin, l'Enchanteur autoritaire)
Etude Op.10 n°3 en mi majeur (Lento ma non troppo)
Chopin dit à Gutmann qu'il n'avait de sa vie retrouvé un aussi beau chant (en français dans le texte). Et un jour que Gutmann jouait l'Etude, le maître levant ses mains jointes s'écria : "O, ma patrie ! (en français dans le texte)
(Gutmann, rapporté par Niecks)
La structure tripartite de cette longue Etude est exceptionnelle dans la cahier ; elle évoque celle d'un Nocturne, par le contraste expressif entre le calme lyrisme de la cantilène et la section centrale (mes 22 à 63) virtuose et agitée. Le caractère doux et élégiaque du thème mélodique, propice à toutes les dérives geignardes, est heureusement pondéré par l'armure rythmique stricte de l'accompagnement qui lui communique l'élan d'une pulsation régulière. Le jeu polyphonique des trois voix simultanées dote ce passage d'une somptueuse sonorité, grave et voluptueuse tout à la fois. Les transitions avec l'épisode médian sont un chef-d'oeuvre de délicatesse du dégradé : les couleurs opposées s'estompent et se fondent l'une en l'autre, sans rompre l'enchantement de cette rêverie, hantée de "l'affreux mélange de sentiments" avoué au seul Tytus : "la nostalgie, le désir de vivre et un moment plus tard celui de mourir". "
(MP. Rambeau, Chopin, l'Enchanteur autoritaire)