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22 août 2010 7 22 /08 /août /2010 20:21

 

 

"Il [Alkan] ne se détache pas de ses véritables amitiés qu'on ne saurait renier puisque, avec le temps, elles sont devenues part essentielle du coeur. Il attend avec impatience le retour à Paris du délicat, de l'exquis Frédéric Chopin, submergé longtemps, là-bas à Majorque, par la pluie de l'hiver et la mélancolie, puis, en longue convalescence à Marseille, d'abord, chez Mme Sand, dans le Berry, ensuite. Le musicien est revenu de Majorque, affreusement amaigri, d'une pâleur cadavérique, à ce que lui dit Julian Fontana, "mais les bagages chargés de pièces nouvelles, des préludes". Il reçoit une lettre de Nohant, en août. Chopin a beaucoup joué Le Clavier bien tempéré de Bach, et a échenillé l'édition parisienne de ses fautes. Il compose une sonate en si bémol mineur. "Je serai de retour à Paris en octobre. Je ne sais pas où j'irai nicher, mais j'espère que ce ne sera pas trop loin de chez vous, car nos petites conversations me sont nécessaires", a-t-il ajouté en post-scriptum.

 

Chopin s'est installé pas très loin, rue Tronchet, derrière la Madeleine - il n'y a que la rue d'Anjou à remonter - dans un appartement joliment arrangé, où tout sent le neuf, papiers peints, rideaux, parement des sièges. Comme dans toute véritable amitié, le dialogue reprend naturellement, après une année d'absence et de silence, sans évoquer, ou incidemment, les événements survenus entre-temps. "Je n'ai rien fait, avoue-t-il à son ami. Des besoins d'argent m'ont contraint à multiplier les leçons. Des soucis ne m'ont pas laissé l'esprit libre." Chopin ne demande pas d'approfondissement. Il s'assoit au piano, ou y fait asseoir son élève, A. Gutmann, pour jouer ses oeuvres nouvelles le Scherzo en ut dièse mineur ou la Sonate en si bémol mineur. D'autres amis ou connaissances de Chopn assistent quelquefois à ces moments musicaux improvisés, Fontana, Grzymala.

 

Un soir, c'est le grand Ignaz Moscheles qui, dans son journal, note qu'il a enfin réussi à voir Chopin, lequel, à peine débarqué de la campagne, accepte, sur sa demande, de jouer. Moscheles a l'impression, enfin, de comprendre sa musique et de pouvoir s'expliquer la mélancolie qu'il suscite chez les dames. Son jeu ad libitum qui, chez d'autres interprètes, dégénère en manque de tact, chez lui n'est qu'une agréable originalité de jeu ; ses modulations d'une vigueur de dilettante que le pianiste a du mal à avaler quand il les joue, ne le choquent plus, car les doigts délicats de Chopin glissent à travers avec la légèreté des elfes. C'est un spécimen unique dans le monde du piano, écrit-il.

 

 

(Extrait de la Grande Sonate, de Claude Schopp)

 

 

 

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